Demande et tu recevras : quand les résultats se propagent comme des ondes

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Demande et tu recevras : quand les résultats se propagent comme des ondes

Je remercie vivement mes proches de m’autoriser à vous raconter cette histoire, pour leurs retours et précisions croustillantes. Merci aussi aux frangins du Temple Burgundi, et en particulier à la Soror qui m’a fait de nombreux retours.

N’importe qui s’intéressant un peu à la magie a probablement déjà entendu parler du “triple choc en retour”, menaçant les magiciens noirs. Selon ce principe, toute attaque magique génère mécaniquement un effet destructeur trois fois plus important dirigé contre le lanceur.
Plus connu parmi les magiciens du chaos, il y a le principe selon lequel “la magie a cette sale manie de prendre le chemin le plus court, ou à défaut le chemin praticable pour exaucer vos souhaits” (D.S. & Freemann, 2010, p.56). Soror D.S et Spartakus Freemann citent l’exemple de Frater Bater, raconté par Phil Hine (1995) :

“Frater Bater réalise un sort pour devenir plus riche et attend que le cosmos lui envoie la monnaie. Les mois qui suivent, il gagne en effet de l’argent suite au décès subit de membres de sa famille, reçoit une indemnité de son employeur après être passé sous une moissonneuse-batteuse, et ainsi de suite.”

(D.S. & Freemann, 2010, p.56)

De ce genre d’histoires, les magiciens du chaos retiennent qu’il faut être précis dans les intentions exprimées, assurer que le résultat peut être obtenu sans dommages collatéraux, et que l’on ne va pas se reposer sur la magie en concourant à l’atteinte du résultat. Tenter sa chance, sans être stupide.
Dans ce texte je vous apporte, à travers une histoire personnelle, un troisième avertissement : quand vous pratiquez la magie, une magie qui vous transforme, les impacts qu’elle a sur vous pourraient affecter des personnes qui vous sont chères.

Mes conditions de travail sont contradictoires. D’une part, je travaille dans un secteur d’activité où la charge de travail de chacun dépend de ce que la personne accepte de prendre sur ses épaules. Probablement la situation rêvée, pour certains. Il y a bien sûr un minimum syndical, mais passé ce seuil chacun.e décide ce qu’elle ou il prend. Et donc une grande proportion de personnes travaillent à la cool, au rythme qu’elles le souhaitent et uniquement pour des missions qu’elles apprécient.
D’autre part, le secteur où je travaille est en manque de ressources. Les manques d’effectifs sont tels que le fonctionnement normal des organisations repose sur le surinvestissement de quelques-un.es. De plus, l’équipe dans laquelle je travaille est soumise à beaucoup de pressions, visant à nous confier toujours plus de missions. Plus on accepte de travail, plus on nous en donne. Cela n’empêche pas certains collègues de faire le dos rond et de se limiter au strict minimum.
Au moment où j’ai réalisé la pratique que je vais vous raconter, je venais de rejoindre mon équipe. J’avais l’impression de devoir m’investir, d’une part pour faire mes preuves, d’autre part pour “la carrière” (je ne suis pas carriériste, j’ai fait semblant pour avoir le job). Par conséquent, j’étais loin de savoir dire “non” aux collègues. Ils arrivaient toujours avec des arguments séduisants ou alarmistes, et j’étais trop content d’avoir atterri dans ce job-là pour penser à refuser. La conséquence était horrible pour moi : je ne faisais que travailler. Si j’avais eu une vie amoureuse ou familiale, elle aurait été consumée lors de cette période.
Fatigué de cette situation, virtuellement sans fin, je me lance dans une pratique avec l’intention suivante : “Dresser un bouclier destructeur contre le boulot, pour m’aménager un espace dédié aux missions que j’aime => dans un an, ma cheffe comprend que l’on ne peut pas compter sur moi.” (souligné dans mon journal) Quand j’étais gamin, on m’a dit X fois qu'”on ne peut pas compter sur moi”, quand je m’avérais audacieusement individualiste. Cette pratique est une Illumination, au sens du “Liber KKK” (Carroll, 2010, p.121), autrement dit la destruction est dirigée contre moi-même.

La pratique en elle-même est relativement simple. J’installe une ambiance feutrée : quelques bougies chauffe-plat éclairant, sur un autel de fortune, l’icône de la Vierge et l’Enfant du “The Epoch” (Carroll & Kaybryn, 2014, forme divine avec laquelle j’ai l’habitude de pratiquer), la pièce embaumée d’huile essentielle de gingembre, odeur que j’associe à la forme divine.
Une fois l’intention dite clairement, je m’assois face à l’icône et je fais le mudra Sukham. Il est connu comme le mudra “antistress” (Saradananda, 2015). Je m’en suis servi pendant le premier confinement, 5 mois avant ma pratique, pour laisser couler les sollicitations venant de partout et imposer mon rythme. C’est un mudra agressif, dévorant.
En observant fixement l’icône de la Vierge et de l’Enfant, je les visualise se métamorphoser. L’Enfant devient l’Antéchrist, et la Vierge devient démoniaque. Les deux sont absolument effrayants et dégagent une aura maléfique. Je visualise leur énergie, leur force sortir d’eux et venir jusqu’en moi en passant à travers le mudra.
Tandis que la sensation énergétique s’intensifie, la respiration connectée se met en route par réflexe. Elle intensifie encore plus la sensation de force absorbée depuis la Vierge démoniaque et l’Antéchrist. Je reçois un message comme quoi mon job me permet déjà ce que je demande, qu’il ne m’est pas nécessaire d’être en de bons termes avec mes collaborateurs. J’arrête quand je sature d’énergie.
Je ne bannis pas, de manière à garder l’énergie en moi.

J’ai été servi.
Je fais une seconde crise d’épilepsie 357 jours plus tard (précision de 97,8%, donc). En France, deux crises d’épilepsie font de vous un.e épileptique chronique, sous traitement stabilisant car il y a 75% de risque d’en faire une troisième.
Mon épilepsie se déclenche au réveil, comme 85% des épilepsies. Cela me force à contrôler mon hygiène de sommeil, en particulier sa durée. J’ai une application, “Sleep as Android”, que j’utilise religieusement. Exit les séries de nuits blanches à travailler.
Après la crise, je passe une semaine dans le coaltar à cause du contrecoup de la crise. Arrêt maladie forcé, autant pour mon employeur que pour moi-même.
Les six mois suivants, le médicament prescrit par le neurologue a un “effet de sédation légère”. J’ai l’impression d’être en permanence déphasé. Comme si j’avais pris du cannabis, mais sans l’effet récréatif. Autant dire que je n’ai pas été bon à grand-chose au boulot. Je n’ai pu faire que le strict minimum, sans me préoccuper de mes erreurs ou de ce que je pourrais mieux faire. Et, évidemment, impossible de prendre des missions supplémentaires sur mes épaules.
Le nouveau traitement me fait gagner en lucidité. Je remarque que mes deux crises ont été déclenchées par des stimuli auxquels je ne m’étais jamais frotté. Des genres de frontières personnelles. Cela pointe vers un possible syndrome d’Asperger. A priori plausible, d’après la psychologue spécialisée qui m’accompagne, mais qui reste à confirmer. Toujours est-il que j’ai des limites personnelles. Je dois modérer la charge de travail que je prends, plus que mes collègues, pour éviter des soucis de santé.

Mais ce n’est pas tout. Vous vous rappelez de ma semaine dans le coaltar ?
Apprenant la nouvelle de ma seconde crise d’épilepsie, ma mère décide de venir chez moi pour s’occuper de moi. Elle traverse la France avec son gros chien en voiture, alors qu’elle est une personne vulnérable. Elle est empêchée de travailler à temps complet par les séquelles d’un burn-out qu’elle a fait quelques années auparavant.
Comme je suis diminué, elle s’occupe de tout : les courses, me surveiller, organiser des activités… Un matin, son chien demande à sortir alors que je suis en train de dormir. Pour ne pas me réveiller, elle décide de ne pas éclairer un escalier donnant sur ma chambre. Cet escalier est traître. Elle glisse sur la dernière marche et se brise un os en bas de la jambe, au niveau de la cheville. Elle est transportée à l’hôpital et plâtrée, et part pour plusieurs mois dans cet état avant de commencer sa rééducation.
Le restant de la semaine, c’est moi qui m’occupe de faire les courses et de sortir son chien pour ses besoins. Cela me remonte le moral, tout en étant moins difficile à gérer que mon travail. Ma mère fait le trajet de retour avec un chauffeur pour conduire sa propre voiture pour traverser la France dans l’autre sens.
Mais ce n’est pas tout ! Après 5 mois d’arrêt de travail, elle fait “juste” une pseudarthrose. L’os en bas de sa jambe ne se consolide pas. Elle a besoin d’une greffe osseuse, d’une plaque et de vis, et de 3 mois d’arrêt supplémentaires. 6 mois après son arrêt, les soignants lui enlèvent le matériel. Mais, pendant 2 mois de plus, elle n’aura toujours pas d’amélioration côté douleurs.
Juste quand elle commence à aller mieux, ma mère se réceptionne si mal sur son autre cheville qu’elle a l’impression de l’avoir cassée. Finalement, il s’avère qu’elle a fait une grosse foulure, qui nécessite 2 mois de récupération. Pendant 5 mois de plus, elle a dû mettre en stand-by sa reprise du travail le temps de reprendre l’usage de ses jambes. Dans ce laps de temps, je lui ai parlé, à demi-mot, de ma pratique et des curieuses coïncidences avec ces événements.
Presque deux ans plus tard, elle a repris toutes ses facultés motrices. Mais, de temps en temps, quand elle travaille trop, sa cheville lui fait très mal. Ses collègues lui disent que c’est son corps qui lui fait signe de lever le pied. Je lui ai rappelé que l’objectif de ma pratique était de me forcer à limiter ma charge de travail, mais elle tend à l’oublier.

Le mois suivant ma seconde crise d’épilepsie et la chute de ma mère, l’un de mes frangins, le plus sensible de la fratrie, a un accident de la route.
De retour au bercail, ma mère a entrepris de l’équiper d’une voiture, pour l’aider à trouver un travail et pour qu’il soit plus autonome. En bataillant, ils arrivent à faire participer son père à hauteur de 30% (alors qu’il est du genre à les laisser crever la bouche ouverte, et à leur signifier à chaque concession que sa générosité est divine). Ma mère met la moitié, et avec les 20% restants mon frère s’achète une belle voiture dorée. Il s’en sert pour faire un aller-retour, tous les weekends, entre son logement dans la grande ville de la région et la maison de ma mère qui est à la campagne.
Alors que deux accidents de la route impliquant des sangliers ont été répertoriés dans la presse, mon frère percute lui-même un sanglier de nuit. Sa voiture coûterait trop cher en réparations, et finit à la casse. Avec mon frère de nouveau sans voiture, ma mère est obligée de moins le pressuriser vis-à-vis de sa recherche de travail.
Dans les semaines qui suivent, lui et ma mère lui trouvent une voiture. Du même modèle, mais moins jolie. Cette fois-ci, ils font 50/50 pour le financement. La voiture a une série de vices cachés, appelant une prise en charge technique et administrative du problème. Cela lui a semblé durer une éternité. Ma mère laisse autant d’autonomie que possible à mon frère. De toute cette histoire, celui-ci retient que gérer une voiture c’est beaucoup d’administratif chiant, et que rouler la nuit c’est dangereux.

Quatre semaines après l’accident de mon frère, le petit dernier de la fratrie se luxe l’épaule.
Il fait ses études dans une école d’ingénieurs. Très sportif et extraverti, il multiplie les activités sportives avec ses camarades. Des moments de socialisation qui sont l’une des marques de fabrique des écoles d’ingénieurs.
Il se luxe l’épaule lors d’un match de handball. En colère contre lui-même pour une histoire de cœur, il projette sa colère à l’extérieur et attaque le match en mode guerrier, prêt à tout buter. Alors qu’il participe à la défense, il tente de bloquer un attaquant d’un bras tendu et en angle droit avec l’axe des épaules. Chose que personne ne fait (normalement, on garde le bras souple pour amortir l’énergie cinétique de l’attaquant). Lui et l’attaquant luttent de toutes leurs forces, et c’est l’épaule de mon frère qui cède.
Une fois sur place, les ambulanciers ne peuvent pas lui administrer d’anesthésiant. Il doit attendre l’arrivée du SAMU, qui prend 40min, une éternité pour lui. Une fois arrivé, le gaz hilarant que les soignants lui administrent ne suffit pas. L’épaule est trop crispée, et la douleur reste insoutenable. Ils doivent l’endormir, avec un gaz très, très planant, pour remettre son épaule avant de l’emmener à l’hôpital. “Profite, c’est payé par la sécu.”
Mon frère ne commence à conduire que deux semaines après, alors que son école est à 300km du logement de ma mère. Pire pour lui, il ne peut reprendre le sport qu’un mois et demi plus tard. Plus tard, il me dit que ça l’a aidé à se concentrer sur ses études, qu’il avait tendance à négliger à cette période avec la multiplication des activités étudiantes.

L’hiver passe, et rien n’arrive jusqu’à l’hiver suivant. Alors je profite du réveillon de Noël, et que ma mère et mes frangins soient rassemblés autour d’une cheminée, pour leur raconter toute l’histoire dans les grandes lignes.
Mon cadet n’a pas subi les contrecoups de ma pratique (mais bon, il est né sous les auspices de Bélial…). Mon récit l’horrifie. Je lui dis qu’il n’a rien à craindre, car l’eau a coulé sous les ponts depuis. Ça n’a pas l’air de le rassurer. Alors il me demande “mais tu fais attention à ce que tu fais, quand tu fais ta magie ?”
Je lui réponds que j’ai assurément appris une nouvelle précaution à prendre avec cette histoire. Pour vous expliquer, ce retour de flamme a été une découverte pour moi, mais elle ne m’a qu’à moitié surpris. J’ai participé à la deuxième campagne des Chevaliers du Chaos, menée sur l’Arcanorium College, 7 ans plus tôt. Je me rappelle que les attaques magiques, lancées à cette occasion sur des cibles à l’échelle mondiale, me donnaient l’impression de me purifier moi-même de l’intérieur. J’étais loin de me douter que cela pouvait fonctionner dans l’autre sens. “Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas”, comme dirait l’autre.

J’espère que vous aussi, vous retiendrez quelque chose de mon histoire. Mais ne vous prenez pas trop la tête. Si les magiciens se laissaient arrêter par le “triple choc en retour” ou par le risque que le cosmos trahisse leurs intentions, ils ne feraient pas grand-chose. Pour être honnête, ma pratique n’a pas changé après ce que je vous ai raconté. Je ne me suis pas mis à psychoter sur les impacts indirects et imprévus de mes pratiques sur les autres, je ne vois aucune raison que vous le fassiez. J’en retiens surtout que la magie peut donner des résultats diablement matériels. Une raison de plus de pratiquer la magie !

Frater DP

Photo : Andrew Davidhazy

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